SOPHIE LEBASQUE – « Peindre c’est comme l’amour: c’est à la fois une joie et une souffrance »

Pendant le mois de janvier alors que j’étais en train de préparer cet article blog, jour après jour j’ai eu le bonheur d’assister à des couchers de soleils flamboyants comme je n’en avais jamais vu. Tout l’horizon était illuminé par un riche nuancier de couleurs psychédéliques qui faisaient penser aux merveilleuses aquarelles de l’expressionniste allemand Emile Nolde. En regardant le soleil disparaitre au loin derrière la chaine des montagnes Ardéchoises je ne pouvais m’empêcher de penser au privilège d’habiter la Drôme et comment Nolde s’il s’était trouvé à côté de moi n’aurait pas manqué de penser, lui aussi, que nous nous trouvions dans un coin béni de la France. Rien d’étonnant que tant d’artistes aient choisi de vivre ici et je continue chaque fois de nouveau à en découvrir pour mon blog. Cette fois c’est une personne entrée tardivement dans le monde de l’art après s’être installée dans la Drôme avec son mari et leurs trois enfants. Par les temps qui courent j’hésite à utiliser le terme mutation mais c’est bien ce qui s’est passé pour Sophie Lebasque lorsqu’elle prit la décision de devenir peintre.

Sophie est une voisine que je connais depuis des années. Je savais qu’elle peignait et qu’elle participait à des séances de modèle vivant chez Nadine Nacinovic. Mais c’est une personne discrète et au début lorsque je lui en parlais je pensais qu’elle s’était mise à la peinture comme passe-temps, comme le font de nombreux résidents par ici. Lorsque j’ai compris que c’était pour elle une occupation essentielle j’ai voulu en savoir davantage.

Je me suis rendu un jour chez Sophie après avoir pris rendez-vous pour voir ses peintures. Devant le nombre de tableaux et de dessins j’ai vite compris qu’il s’agissait de bien plus qu’un simple passe-temps. La quantité de tableaux de différents formats et les beaux dessins ainsi que la manière dont elle en parlait montrait bien l’importance qu’ils avaient à ses yeux et pourquoi aussi elle avait choisi de faire de l’art un mode de vie. Une de ses remarques retiendra mon attention. Sophie avait fait des études de kinésiologie, et de thérapie par l’art dans le but d’être utile et pour venir en aide aux autres. Elle en était cependant arrivée à la conclusion qu’elle pouvait tout aussi bien réaliser ses ambitions en mettant tout son cœur dans la peinture, donnant ainsi la meilleure part d’elle-même à ceux qui en avaient besoin.

Outre ces considérations personnelles, Sophie est mue comme tout artiste par le besoin inné de créer. Son style est réaliste et en voyant son travail on ne peut s’empêcher de sentir qu’elle peint avec une main de poète. Il y a dans la représentation de ses sujets de prédilection, la nature morte et la figure humaine, une part attachante de tendresse et de rêverie. Ses tableaux sont beaux à voir et reflètent bien le sentiment plus profond que Sophie a voulu y mettre. J’aime son travail et vu le délai relativement court depuis ses premiers pas en peinture le niveau atteint va bien plus loin que celui d’un talent naissant. Qui sait quel bel avenir l’attend ?

J’ai voulu en savoir plus sur ce parcours un peu particulier qui pose la question de la place que l’art peut détenir dans une vie.

QUESTION

Depuis quand remonte ton intérêt pour l’art et est-ce qu’enfant tu aimais dessiner ? Je sais que tu avais un arrière grand-oncle, Henri Lebasque, ami de Matisse, Vuillard, Bonnard, Rouault, etc. et qui figure parmi les peintres postimpressionnistes connus. D’ailleurs il y a des correspondances entre ses dessins, en particulier les nus, et les tiens. La peinture coule-t-elle dans les veines de ta famille ?

REPONSE

Pas vraiment, nous aimions chez nous la littérature et la culture d’une manière générale y compris la musique populaire mais je suis la seule à ma connaissance hormis ce grand-oncle à avoir la peinture dans mes gênes.

Q

C’est à un stade relativement âgé que tu t’es mise à peindre sur une base régulière et peu à peu cela est devenu une occupation à plein temps. Comment en es-tu venue là ?

R

Comme je l’ai déjà dit j’aimais l’art en général. En déménageant dans la Drôme avec ma famille j’ai suivi différents cours de peinture en y prenant goût et beaucoup de plaisir. J’aimais bien partager mes expériences et idées avec les autres participants et suivre les conseils des artistes qui les dirigeaient. Je me sentais à mon aise et chez moi en leur compagnie. Je prenais en même temps conscience lorsque je peignais de me sentir en harmonie et au plus près de moi-même. Au fur et à mesure je passais de plus en plus de temps à travailler chez moi, d’abord simplement pour le plaisir et sans le projet de devenir une artiste, mais cela ne durera pas.

Q

Quelles sont les raisons de ta décision de devenir une artiste ?

R

Une des raisons derrière ma décision de faire des études de kinésiologie était en les soignant de venir en aide aux autres. Mes études une fois terminées j’ai commencé à éprouver une sorte de réticence à l’idée de devenir une thérapeute. Je sentais que ce n’était pas dans mon rôle de conseiller des clients sur des questions qui pouvaient concerner leur vie personnelle et intime et qui ne manqueraient de survenir. J’aurais eu le sentiment de participer à une intrusion illégitime dans leurs affaires ! C’est alors que je me suis demandée si plutôt que d’avoir recours à des thérapies que j’avais apprises en les étudiant dans des livres il ne serait pas préférable de changer mon approche. Je me suis dit qu’en étant moi-même, en utilisant mes talents de peintre et de graphiste et en procurant ainsi du bien être aux autres je serais tout aussi capable de les servir. On sait comment la beauté donne à ceux qui la contemple du plaisir, réchauffe le cœur et suscite des émotions et qu’elle a en elle des vertus thérapeutiques. J’ai ressenti un immense soulagement lorsque je me suis rendue compte de cette potentialité de l’art et cela m’a conforté dans ma décision de poursuivre mon travail d’artiste aussi longtemps que possible.

Q

Certains trouveront ton raisonnement et tes conclusions peut être irréalistes et difficiles à accepter.

R

Non, non je suis convaincue du contraire. Nous savons aujourd’hui que l’art – du moins un art sincère qui vient du cœur – a des propriétés curatives ; il peut apaiser, rendre heureux et faire changer les idées. Parfois l’impact de la beauté est tel que certains s’en trouvent mal (le syndrome de Stendhal est connu et se réfère au malaise du grand romancier suite à une trop longue contemplation devant des peintures la Renaissance italienne qu’il admirait.) De tels effets ont été scientifiquement prouvés. Notre cerveau réagit à l’art et il est inutile de rappeler combien l’esprit agit sur le corps. Comme j’ai une nature créative qui aime la peinture c’est un vrai bonheur pour moi de disposer de cette mystérieuse baguette magique.

Q

Deux motifs reviennent constamment dans ton travail, la nature morte et le corps humain. Dans les deux cas ils appartiennent à une longue tradition et il faudrait une librairie entière pour décrire la place qu’ils occupent dans l’histoire de l’art. Devant tes tableaux je ressens une tendre délicatesse, comme si tout en abordant tes natures mortes avec assurance tu le fais en prenant grand soin de ne pas endommager leur beauté. Tu as réalisé de nombreuses et excellentes représentations de la figure humaine. Tu suis en cela l’exemple d’artistes de tous les temps dans des styles particuliers à leur époque et à leur civilisation. Le défi devant un sujet si souvent traité est celui de transmettre un ressenti personnel et donc original. Tu t’en sors me semble-t-il très bien.

R

C’est vrai qu’il y a de nombreuses natures mortes et figures humaines dans mon travail. Cela vient sans doute de ce qu’ils étaient des sujets courants des exercices que nous faisions pendant les cours de peinture, et naturellement aussi lors des séances de modèle vivant que je suivais. Je me sens beaucoup moins à l’aise avec le paysage mais cela viendra sans doute dans l’avenir. En ce qui concerne les natures mortes, je suis casanière et je m’attache aux objets qui m’entourent. Un bol avec des fruits, un bouquet de fleurs, un vase m’inspirent et j’aime les rendre sur papier et sur toile de manière à ce qu’ils aient une résonnance en moi et que les couleurs chantent. Il ne s’agit pas de les reproduire exactement mais d’en faire des poèmes. Une fois le tableau ou le dessin terminé je suis la première surprise en voyant le résultat et bien qu’ils soient de moi je n’ai aucune idée du processus créateur grâce auquel j’ai pu les réaliser. S’ils me plaisent c’est à leur tour de me regarder. C’est magique !

Je ne me suis jamais posée la question de savoir pourquoi j’aime peindre et dessiner la figure humaine. Est-ce la recherche d’harmonie, de grâce, la souplesse des lignes courbes du corps, ou peut-être parce qu’il nous renvoie une image de nous-même sous autant d’aspects divers qui suscitent tant d’émotions fortes et parfois contradictoires. Qui sait ? Au demeurant, j’ai entendu dire que le nu était le symbole esthétique le plus ancien et le plus révélateur imaginé par l’homme. Alors rien d’étonnant que je reprenne le motif !

Q

Quels sont les noms de quelques artistes que tu admires ?

R

Toulouse-Lautrec, Schiele, Van Dongen, Vuillard, Bonnard, Nolde et puis la Finlandaise Helen Schjerfbeck dont l’œuvre dégage cette atmosphère mélancolique tout à fait spéciale des pays du nord que l’on retrouve chez un Edward Munch par exemple.

Q

Pourquoi est-ce-que tu hésites à montrer ton travail ?

R

Ce n’est pas que je sois contre, au contraire, mais le problème est de trouver le bon endroit. Mes peintures et dessins me tiennent à cœur et je ne veux surtout pas les considérer sous l’angle d’une valeur marchande. C’est probablement pour ça que je ne suis pas pressée d’exposer à tout prix.

Contactez Sophie Lebasque par Email : sophie.leh@gmail.com

Posted in: Art

  • Vous pouvez lire aussi…