Benjamin Royaards (1939 -2009) – Un artiste pur sang

MONTBRISON-SUR-LEZ 

En quittant Dieulefit pour prendre la route en direction du sud, la D538 serpente jusqu’en haut de la montagne et redescend de l’autre côté pour ensuite s’engager dans la gorge étroite et spectaculaire de la rivière du Lez. Sur la droite s’élèvent de hautes falaises rocheuses dégarnies sur lesquelles se dessinent, comme gravées, une incroyable diversité de couches géologiques. La route suit le cours tout en méandres de la rivière avant de déboucher sur un paysage plat dont l’aspect est très différent de celui qu’elle a quitté. La température de l’air augmente légèrement, la lumière est plus brillante et jette des ombres tranchées comme si elles avaient été appliquées au pinceau par un peintre. De part et d’autre de la route, les longues rangées tressées des vignobles. C’est aussi le pays des oliveraies argentées. Ici commence la vraie Provence ! En bordure du paysage, à l’est, la longue silhouette étirée de la montagne de la Lance culminant à 1300 mètres domine la plaine. A ses pieds de vieux villages, dont Montbrison-sur-Lez. Son centre historique compte des demeures anciennes en pierre sèche, une chapelle du 11ème siècle reconstruite au 15ème et la « mémoire » de bâtiments qui remontent aux temps de l’Empire Romain. Comme la plupart de ses 300 habitants qui vivent pour la plupart aux alentours du village, Katrijn, la veuve de Benjamin Royaards continue à occuper leur vieille ferme à 2 kilomètres de distance, sur la route de Valréas.

Pour ceux qui s’intéressent à la préhistoire, le lieu sur lequel est situé Montbrison-sur-Lez est unique car des fouilles relativement récentes témoignent d’une très longue présence humaine. En 1954 dans le petit village du Pègue tout proche « de bien curieux morceaux de poterie » furent déterrés lors de la construction d’une nouvelle école.  En plus, un assortiment surprenant de pièces de poterie peinte avait été découvert au pied d’un chêne à l’endroit où un blaireau avait creusé la terre pour en faire son terrier. Au cours des excavations qui suivirent dans les environs on découvrit sous un monticule triangulaire un oppidum Celte et puis des vestiges encore beaucoup plus anciennes datant de 5 à 6000 ans. Les Gaulois s’y installèrent 600 ans avant notre ère et entretiendront avec les Grecques qui avaient fondé Massiglia (Marseille) vers la même époque un important commerce de troc. Ces derniers leur apportent du vin et de l’huile d’olive, ils introduisent les parfums et la céramique en échange d’ambre, de métaux, du blé et autres céréales. Un grand nombre d’objets exposés dans le joli petit musée du Pègue rappellent toutes ces découvertes archéologiques autour de Montbrison. Il y en a qui sont particulièrement émouvants comme ces pots contenant les restes carbonisés de blé probablement stockés à des fins de commerce. En les voyant, le passé surgit soudain très proche car ils évoquant d’une manière saisissante des récoltes destinées à nourrir des êtres comme nous mais qui vivaient il y a plus de 2000 ans.

BENJAMIN ROYAARDS (Site web)

A l’instar de plusieurs grands peintres néerlandais, les Jongkind, Van Gogh, Van Dongen, et bien d’autres, Benjamin Royaards quitte son pays natal pour s’installer dans le sud de la France dans la Drôme, à Montbrison-sur-Lez. Il y résidera 34 ans jusqu’à sa mort en 2009. C’est là qu’il réalisera la plus grande partie d’une œuvre considérable et foisonnante, dans laquelle se reconnaît la main d’un artiste de premier plan.

Repéré dès l’âge de 19 ans, alors qu’il était encore étudiant à l’Académie d’Etat des Beaux-Arts à Amsterdam, il recevra une commande pour peindre les fresques du Palais Royal du Dam. Il participera par la suite à des manifestations importantes et se verra primé à la Foire internationale des arts de Monaco, décerner le premier prix de la Biénnale de gravure de Digne (1982), il exposera au Grand Palais à Paris, etc. En partie pour échapper aux contraintes entraînées par le succès Benjamin décide de quitter la Hollande avec sa famille afin de se consacrer, en toute quiétude, à son œuvre. C’est dans son fief de Montbrison qu’il recevra dorénavant les galeristes et amateurs d’art venus de tous les horizons, de Hollande, de Belgique, d’Allemagne, des Etats Unis. Le personnage haut en couleur qui recevait alors chaleureusement ses visiteurs se comparait volontiers avec humour à Don Quichotte, le héros de Cervantès. Corps mince et musclé, visage étroit au nez proéminent, yeux d’un bleu très clair qui scrutaient intensément ses interlocuteurs, Benjamin en avait par bien des égards la physionomie et l’allure. On pourra également retrouver dans ses œuvres un peu de cette fougue qui caractérisait le fier chevalier de la Manche.  Qu’il s’agisse de toiles figuratives ou abstraites – de grande ou de petite dimension – de sculptures taillées dans les pierres récupérées dans la rivière du Lez toute proche, de céramiques aux formes surprenantes, elles relèvent toutes d’un expressionnisme radieux car c’est son cœur qui parlait. Tel homme, tel artiste !

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Peintures

Benjamin Royaards était peintre corps et âme et il maîtrisait à la perfection toutes les techniques, aussi bien l’huile que la gouache, l’aquarelle et le pastel. Sa préférence portait essentiellement sur des sujets de la vie quotidienne. Les membres de sa famille servaient de modèles, il peignait leurs portraits ainsi que les paysages de la Drôme qui était devenue sa région d’adoption. Ses peintures sont harmonieuses et agréables à l’œil, mais elles ne sont pas pour autant uniquement décoratives car il les traitait en profondeur. Tout en étant un artiste pleinement ancré dans son temps, les racines de Benjamin sont celles d’un peintre du nord, héritier des Rembrandt, Vermeer, Jan Steen au 17ème siècle ou encore de Jongkind, Van Gogh, Van Dongen, Mondrian de la fin du 19ème et du début du 20ème siècles pour qui le fond est tout aussi important que la forme, sinon plus!  Coloriste exceptionnel, il y avait dans son immense atelier un nombre impressionnant de pots contenant une vaste gamme de pigments qu’il sélectionnait avec soin pour les mélanger  afin d’obtenir les  nuances et l’éclat qui convenaient aux tableaux en cours. Benjamin insistait toujours pour dire qu’il y avait dans ses peintures, même les plus abstraites en apparence, toujours une réalité sous-jacente. Quant aux portraits si vivants, les autoportraits, ceux de sa femme Katrijn et de leurs enfants, et même de son chien, c’est toujours avec une pointe d’humour et beaucoup de tendresse, qu’ils seront exécutés.

Dessins et gravures

Vu le vaste nombre de dessins et de croquis laissés par Benjamin on ne peut que conclure que c’était pour lui un exercice continu, sa manière de raconter, comme d’autres le font à haute voix, ses rencontres, les évènements du quotidien, les situations qui l’avaient frappé. Les carnets d’esquisses qui s’empilent encore dans son atelier sont de véritables carnets de bord magiques dessinés d’une main sûre qui va toujours droit à l’essentiel. Les grandes sanguines réalisées à Amsterdam, où il a résidé et celles des environs de Montbrison sont tout simplement superbes ! Et puis, pour ce qui est des gravures à la pointe sèche et même si ces comparaisons peuvent paraître excessives, on ne peut s’empêcher de penser aux grands maîtres d’autrefois, à Rembrandt ou à Hercules Seghers, ses compatriotes. Il y a enfin de nombreuses et très belles aquatintes, une technique qu’il maîtrisait parfaitement.

Sculptures, céramiques et autres objets

Sculptures

C’est suite à son déménagement en France que Benjamin se mettra à la sculpture. L’usure des galets emportés des siècles durant par le courant de la rivière du Lez, près de chez lui, finissent souvent par ressembler à des ébauches de sculptures. Il n’en fallait pas plus pour que Benjamin, souhaitant parachever le travail se tourne vers Theo Mulder un ami sculpteur qui lui enseignera les rudiments du métier. Puis, avec sa fougue coutumière Benjamin se mettra à tailler la pierre. La tâche est ardue car les galets sont des pierres extrêmement dures et plus d’une fois son manque d’expérience lui vaudra des douleurs aigues à l’épaule et au bras. Quoique moins nombreuses que ses toiles, les sculptures constituent néanmoins une composante à part entière de l’œuvre de Benjamin.

Céramiques

L’amour de la céramique est venu très tôt chez Benjamin lorsque participant à des fouilles en Hollande du nord il tombe sur de beaux morceaux de faïence Majolique datant du 17ème siècle.  Un coup de cœur qui l’amènera plus tard à suivre dans son pays un apprentissage à la Manufacture Royale Tichelaar, réputée pour ses faïences. A Montbrison il construira de ses propres mains un grand four à bois et c’est là qu’il produira de belles céramiques multi-colorées et aux formes originales,expérimentant sans cesse de nouvelles combinaisons de matériaux et n’hésitant pas à introduire du fer dans l’argile.

Ce besoin inné de transformer les objets pour ensuite créer une œuvre d’art faite de matériaux hétéroclites l’amènera à passer de nombreuses heures à fouiller dans la déchetterie locale. Il fera usage aussi de papier mâché pour façonner des reliefs originaux, il fabriquera un carrousel « poétique, » une « armoire-aquarium » avec des poissons découpés dans des feuilles d’aluminium, un cirque fantastique, etc. etc.

Pour résumer, ce qui frappe en considérant le travail de Benjamin Royaards c’est la qualité esthétique exceptionnelle de son travail, son éclectisme, sa maîtrise quelle que soit la technique qu’il aura choisi pour s’exprimer et pardessus tout que son œuvre est celle d’un artiste pur-sang.

Benjamin Royaards au travail

 

 

 

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