SANDRINE CERDAN – Artiste peintre-graveur

Ainsi que je l’avais annoncé je reprends la rédaction de mon blog dans le but de présenter des artistes vivant dans la Drôme qui ont retenu mon attention par leur originalité et la qualité de leur travail. Plus que jamais dans les temps incertains et confus traversés de faux raisonnements que nous vivons, l’art peut parfois nous aider à voir plus clair car il exprime des vérités qui sortent droit du cœur.

Il m’arrive rarement de m’arrêter devant une œuvre d’art dans une galerie et de revenir une seconde puis une troisième fois sur mes pas pour la contempler. Je suis un passionné d’art et je n’en suis jamais rassasié mais parfois d’une manière tout à fait inattendue ce que j’ai devant moi me touche profondément, un véritable choc. C’est ce qui s’est passé récemment lorsque j’ai visité l’exposition de Sandrine Cerdan dans la galerie de la librairie « Chant Libre » à Montélimar. Parmi les œuvres accrochées aux murs il y avait une gravure carrée de 25 x 25 cm, un fouillis de lignes entremêlées et de courbes qui retint immédiatement mon attention et je décidai sur le champ de me l’offrir. Vue à distance, il aurait pu s’agir d’une pièce d’écriture automatique. En soi la composition avec ses parties d’ombre des deux côtés d’une zone lumineuse avec par-ci, par-là de légères touches ocrées était équilibrée et plaisante à l’œil mais de plus près elle se révéla être une scène chaotique de dévastation. Les lignes tourbillonnantes représentent des vagues géantes emportant tout sur leur passage. Au-dessus  le ciel chargé de nuages lâche des rafales de gouttes de pluie létales comme des balles d’artillerie.

Parmi les décombres et débris, entrainés par le courant, une maison est en train de basculer, dans une barque une famille cherche à sauver sa vie, des animaux se noient. La gravure a pour titre « Inondation » et dans un style graphique très libre, Sandrine semble avoir capté l’essence même du drame qui se joue. Cela m’a fait penser aux nombreux artistes hollandais du 17ème siècle dont les œuvres ont pour sujet les terribles inondations qui ont fréquemment envahi les Pays-Bas. Mais la gravure pourrait tout aussi bien avoir été inspirée par les images cataclysmiques d’inondations dues au réchauffement climatique que nous voyons trop souvent aujourd’hui sur nos petits écrans. A travers le regard sensible de l’artiste la scène de la gravure fait apparaître sur un minimum d’espace tout ce qu’une catastrophe naturelle peut provoquer de destructeur. Pour moi, c’est une des vertus  de l’art d’exprimer sans détour en quelques traits l’essentiel d’une situation.

Des œuvres du même genre accrochées aux murs de l’exposition me donnèrent envie de mieux connaître l’artiste et de dédier ce blog – le premier d’une nouvelle série – aux raisons du choix de ses sujets et aux diverses techniques auxquelles elle a recours pour réaliser son travail. Nous ne nous connaissions pas et j’ai donc décidé de lui écrire pour lui demander si elle était intéressée et le cas échéant si elle était disposée à répondre à un court questionnaire que j’avais préparé en vue d’une interview. Je voulais avant tout aller un peu au-delà des présentations habituelles d’artistes qui ne consistent souvent que de quelques notes biographiques, une liste d’expositions et une ou deux citations de critique élogieuses de leur travail.

Exode – Diptyque acrylique sur toile – 150 x 220 cm

Syrie – Acrylique sur toile – 100 x 100 cm

Dans ma première question je demandais à Sandrine sous quelle catégorie elle classait son travail. Considérait-elle qu’il était autobiographique, engagé socialement ou simplement de l’art pour l’art ? Sa réponse ma certainement éclairé sur les raisons qui l’avaient amenée à réaliser la gravure « Inondation » que je lui ai achetée, et en même temps aussi elle révèle un vaste champ d’intérêts. « Une grande partie de mon travail est plutôt engagé et même militant. Je m’inspire du monde dans lequel je vis, de l’actualité, des mouvements de populations, de l’architecture et de l’histoire des lieux. Les titres de mes travaux le prouvent : Manifestations, Exode, Révolution, Inondation Tremblement de terre. Il y a du militantisme dans le titre : Les idées ont des ailes. Mais parfois mon travail est plus poétique, plus léger ou simplement abstrait. »

Fugue – Acrylique sur toile marouflée sur bois, 20 x 20 cm. Fuguer vers quoi vers qui, ou, fuire la misère, la violence, la peur, s’accrocher à la nature aux couleurs à la musique l’humain…

L’utilisation d’une variété de techniques différentes est caractéristique du processus créatif de Sandrine. « J’ai débuté par la peinture et le dessin, puis sont venues la gravure et la céramique. Changer de technique permet de se renouveler, de travailler autrement. Chaque technique ouvre une infinité de possibilités. Faire de la céramique c’est travailler en volume et j’aime aussi la sensation de la matière entre mes mains. Une fois maîtrisées il y a la possibilité de combiner, mélanger, faire fusionner plusieurs techniques à son gré. Au bout du compte elles sont complémentaires. C’est très stimulant ! »

 

 

 

Après avoir plus ou moins établi quels sujets l’intéressent et les outils dont elle se sert pour réaliser ses œuvres, j’ai demandé à Sandrine de me donner les raisons de son choix de devenir une artiste. Pourquoi faire de l’art et à son avis à quoi ça sert. Un médecin est formé pour traiter des malades, un architecte pour construire des maisons et des ponts, les pilotes pour faire voler des avions. Mais pourquoi faire de l’art ? Pour reprendre ses propres propos Sandrine se sent socialement engagée. Comment ça ? Un regard sur le monde qui nous entoure, la nécessité impérative d’améliorer la condition humaine, le dérèglement climatique, les guerres ravageuses, etc. suffisent pour considérer que l’art n’est qu’un passe-temps et que peindre et faire des gravures sont des activités un peu vaines et futiles. Et pourtant, les artistes passent leur vie à faire de l’art et les amateurs ne se lassent pas de regarder leurs œuvres ?

La tierra sin mal – Aquatinte – 50 x 50 cm – Hommage à Raoul Barbosa (musicien Argentin)

Dans la majorité des cas gagner sa vie pour un artiste en vendant son travail est un parcours du combattant ingrat. Il existe en France au dernier recensement quelques 62.000 artistes peintres et un tout petit nombre de points de vente, à peine 2000 galeries d’art contemporain ! « Oui, c’est vrai. Je suis une artiste professionnelle mais au final je vis peu de la vente de mes œuvres. Pour subvenir à mes besoins je dois organiser des ateliers et réaliser des résidences artistiques, et parfois aussi avoir recours à des boulots complémentaires. Je n’ai plus de galerie car mon travail n’entre malheureusement pas dans les courants actuels. Participer aux Salons coûte trop cher. Finalement, je suis toujours en dehors du marché de l’art.  J’expose dans différents lieux : librairies-galeries, prieurés, musées,… Ceci dit, tout m’intéresse, je suis extrêmement curieuse et rien ne m’empêchera de faire de l’art qui sert peut-être à transcender la réalité, mieux la reconnaître, la comprendre et l’accepter. Et si parfois l’art fait peur et rebute il donne aussi de la joie, permet de rêver, console et apaise. »  

Poiriers – Xylogravure

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